Tout est blanc maintenant !

Tout est blanc.

Comme happée par un corps malade, je hurle à ce vent qui n’en finit pas.
Infinie tristesse qui perle sous le masque des habitudes.

La vie égrène son étrange litanie, préparant quelques ultimes épitaphes.

Main tendue vers un infini incertain, yeux rivés sur un Sud bien lointain, il y a longtemps, pourtant, que tu as disparu, dans les méandres de mes hermétiques errances.

Soleil de plomb, jadis brûlant, qui hante encore mon corps malade de toi.

Ton regard de jais, tes prunelles trop noires, comme déjà tournées vers l’indicible tourment que tu me ferais subir, et ta peau si sombre, luisante comme un manteau d’écaille, enveloppant ton corps sculptural, pernicieux et tentateur.

J’aimais me perdre dans tes yeux, me noyer dans tes chairs, comme happée par tes muscles saillants, ondulants sous ta peau veloutée, aux fragrances d’épices opiacés.

Tout est blanc.

Au delà des larmes qui me hantent, souffles courts de nos folles chevauchées, puissantes ruades désespérées d’un étalon sublime, sauvage et fringant, agrippée à ta crinière, je survolais les septièmes cieux.

Déjà je savais que tu étais trop libre, incapable de supporter une reine, au delà d’un sabbat, noyé dans les brumes incertaines, d’une illusion par trop espérée…

Tu m’avais pourtant déjà désarçonnée.

Prince de cet été de porcelaine brisée, tu galopais altier et magnifique, dans les sentes escarpées de mes extatiques calices.

Plus rien ne semblait exister, étrange cavalcade, à brides abattues, je montais à cru sur ton puissant poitrail, assoiffée de ta jouvence intarissable, heureuse de sentir ton infatigable ardeur, sous le joug de ton incroyable puissance.

Tout est blanc.

Assouvie et heureuse, je t’admirais, alors que tu te levais, sculpté dans le schiste, piaffant d’une impatience incontrôlée, tout recouvert de l’écume de nos délices.

Fier et conscient de ta puissance, tu regardais la mer, comme essayant, peut être encore, de lutter contre ce vague à l’âme qui semblait épouser tes jours.

Jamais un destrier ne se résigne, je comptais les pas qui te rapprochaient encore de mon corps en mal de toi, sachant déjà qu’il faudrait me résigner à te voir, un matin, t’enfuir, rejoindre l’herbe des prairies de ton enfance, là bas, par delà la mer des hippocampes.

Sans un mot tu reprenais ta besogne, muré dans ton silence d’étoiles, alors que je me perdais sur la piste des miennes, toute encore aveuglée de bonheur.

Effervescence débridée, tu transcendais mes chairs, métronome consciencieux, au rythme de tes escapades torrides, saupoudrant mes jours d’un zeste de cannelle, de vanille et de sucre.

Combien de fois as tu sauté, au cours de notre long parcours estival, les mille obstacles de nos errances interdites ?

Qu’il m’était alors plaisant, d’être ta cavalière, lorsque tu m’emmenais faire un tour de manège, et que je roulais dans la sciure, terrassée et tremblante, succombant aux assauts de mes plaisirs ?

Tout est blanc maintenant !

Ce matin tu es reparti, vers ce Sud lointain, où brille encore, comme un ultime baiser volé, cette étrange étoile polaire !

Mille bises
Gaëlle

Magnifique ! !