La marche de la nuit [Nouvelle]

La marche de la nuit.

Lorsque le bleu de la nuit voile le ciel, et que la ville s’allume de mille feux de lumière artificielle, des êtres bien étranges sortent de leur tanière. Ils s’habillent de toutes couleurs, de toutes fantaisies, et leurs différentes robes vont se marier à la nuit.
Ainsi l’on voit passer, à travers nos ruelles mal éclairées, une ombre roux, une autre rayée de bleus et de gris, une autre encore voilée d’un blanc de fantôme, et d’autres plus sobres, et d’autres plus joyeuses. Plus loin dans la vallée où l’église s’impose dans la ville, va se marier la plus belle des danses, celle de la nuit.
Rapidement, furtivement, ces créatures mystiques sautent à travers les toitures des voitures endormies. Certaines roulent encore, mais qu’importe, rien ne saurait arrêter leur marche royale.
Et si par quelconque hasard, des brigands tenteraient, pauvres fous, de les capturer, c’est avec brio et agilité qui leur rabaisserait leur clapet.
Car chaque nuit est nouvelle, chaque étoile étincelle de son tout premier feu, même si parfois, la brume humaine envahit le ciel de leurs rêves les plus inconsidérés, chacun de ses êtres sait se guider, de lumières et de cœur, par la musique de l’irréelle.

« Bonjour ! »

Voilà ce que l’on entend par delà les chants de l’obscurité divine. Des vœux par millier suivent leur chemin, et, par la droite ou par la gauche, tous se dirigent vers la même destination. Comme si… Comme s’il s’agissait d’un pèlerinage sacré loué à la grande Dame Nature.
Et puis, d’un coup, chacun se pose, tout doucement, à la fenêtre de leur désirée, et c’est un chant doux et mélodieux qui guide leur voix grave ou aigue. Chacun chante pour celle qu’ils aiment, chacun aiment à sa manière, aucun chant n’est pareil, mais aucun n’est différent pour l’oreille des humains qui écoutent en grognant.
Car ce qui fait bonheur à leurs compagnes qui les rejoignent font le malheur de ceux qu’ils réveillent inconsciemment. Mais, malgré les chaussons ou les réveils volant par delà la fenêtre, ils restent dans leur nuage qui glisse à travers un mirage où seul lui et elle n’a lieu d’être.
Et puis, la nuit se passe dans cet étrange paysage, et chacun se sépare comme si de rien n’était. La journée prend son cours, et chacun rejoint leur tanière à leur manière, plus attentif, plus fébrile dans un monde où l’évolution a fait place à l’harmonie naturelle.
Et puis, ils attendent, tous, leur temps venu pour reprendre cours à leur marche impériale…