Texte #1 de Sarantoya
[…]
Au commencement il n'y avait pas de couleurs. Juste du blanc. Et quelques traces de ce qui avait du être du noir. Juste ça. Pas plus. Et le soleil qui brillait fort dans l'ciel incolore. Ce soleil jaune qui n'avait rien à éclairer se sentait triste. Inutile. Et normalement le soleil c'est tout sauf inutile. Le monde respirait la tristesse, ce paysage fade pleurait des larmes invisibles. Il était juste l'écho d'un grand vide. L’ombre d’une larme. Un jour, ni tenant plus, le soleil s'est mis à pleurer à son tour. Il pleure sur ce monde triste, ce monde désert, ce monde fade, ce monde que personne ne veut, que personne aime. Et il pleure aussi sur son sort. Mais juste un tout petit peu. Les larmes du soleil et celle du monde s'mélangent. Puis s'mêlent à l'éclat de cette pâle lumière. Cet éclat qui aurait fait sourire bien du monde si quelqu'un était là pour le voir. Alors dans l'ciel blanc, tout ça, ça a formé un arc-en-ciel. Un bel arc-en-ciel qui englobait toute la terre. Comme un grand pont d'joie. Comme une balançoire féerique. Eh toi, viens faire de la balançoire. Parce que si tu viens tu verras plein de petites créatures qui en font elles aussi. Mais personne n'est là pour les voir. Et elles se balancent fort, de plus en plus fort. Et il y a en a sept qui sont tombées sur terre à vouloir aller trop haut. Il y a eu la fée indigo, l'elfe bleu, le farfadet mauve, la licorne verte, le lutin rouge, la lune orange et l'étoile jaune. Et là elles sont restées subjuguées. Rien. Il n'y avait rien sur cette nouvelle terre. Juste du blanc. Et elles ont décidé de repeindre le monde de leurs couleurs. Alors si tu fais de la balançoire avec moi tu verras un petit elfe voler dans l'ciel, plonger dans les mers et océans, un farfadet souffler sur des centaines de fleurs, un lutin dessiner de grands coeurs dans le nouveau ciel bleu, la petite fée ajouter une touche de couleur par-ci par-là pour que ça soit plus beau, une licorne gambader dans d'immenses plaines, grimper en haut des plus belles montagnes. Et tu verras aussi la Lune monter doucement dans le ciel, accompagnée de la petite étoile. Alors le soleil a souris et l'arc-en-ciel s'est agrandi et des dizaines d'autres couleurs sont apparues. Les petites créatures se balançaient de plus en plus fort parce que maintenant toutes voulaient aller sur terre. Et dans l'ciel la Lune est tombée amoureuse du soleil, ils ont fait l'amour et les aurores boréales sont apparues. Alors la Lune est restée accrochée là-haut. Et la petite étoile s'en est allée allumer plein d'autres.
Alors qu’on ne dise pas que l’monde s’est créé tout seul, parce que derrière tout ça, derrière toutes ces apparences, il y a des milliers de souffles, de sourires, de larmes, de vie. Toutes ces créatures… Ce sont elles qui décident des odeurs de demain mais elles se cachent sous des masques aux apparences humaines. Qui sont en réalité ces créatures ? Et sous quel masque sont-elles ? Je ne sais plus trop…
Texte #2 de Maybel
Multiples visages
Noir
Noir, comme un piano, douce mélodie, douce mélancolie. Noir, comme la lumière morte reflétée sur l’acier d’un couteau, comme tes pupilles dans lesquelles je plonge mon regard et où j’oublie ma raison de vivre, où j’oublie comment nager.
Rouge
Comme l’amour qui saigne mon cœur ; mon cœur qui saigne l’amour. Rouge, mes lèvres trop rouges dans la noirceur de cette nuit. Rouge accusateur qui pointe un doigt droit sur toi, dans l’idée de blesser ta peau d’un ongle trop rouge. Rouge, noir passion.
Noir ténèbres, rouge sang.
Meurtre
Ah, je t’assure, je suis morte. Coup de poignard, coup de foudre en plein cœur. Coup de poing dans l’estomac, j’en ai le souffle coupé. Moiteur, sueurs froides, nausée. On a volé mon cœur, dites moi que je rêve, cauchemar.
Gris
L’iris de tes yeux. Gris, comme ma peau qui gèle. Les murs gris, les étoiles grises. Gris froid. La brise glacée, la lune, gros morceau de glace dans le ciel. Gris, comme une photographie terne, un oiseau de malheur, une lame grise qui détache mon cœur de mes entrailles ; ce cœur gris qui ne bat plus, arrêt complet. Gris, comme ce silence qui résonne dans ma tête, comme le vide d’une pièce sans soleil, comme des yeux sans étoile.
Envol
D’un souffle, un «non» muet qui déchire le ciel, fissure mon âme. Envol de corbeaux, éclairs qui secouent tout mon être. Envol de l’amour que tu éprouvais pour moi…
Masque
Masque d’indifférence, d’insensibilité. Mon corps qui se retourne raide et mort. Je place un pas devant l’autre, sans un regard en arrière. Et j’avance (je recule ?). Je marche de plus en plus vite, comme une machine (dé)programmée. Je cours. Je fuis ces sanglots qui m’assaillent. Je fuis cette peine qui submerge mon esprit. Sous le masque, derrière le masque, une larme coule, puis une autre, éternellement, jusqu’à la fin des temps. »
Texte #3 d'Eléa
J’avais 12 ans. J’étais naïve… J’me suis dirigée vers le magasin, j’avais qu’une idée en tête :
Trouver ce que j’voulais. Après on verra.
Je regrette tellement… J’aurais voulu ne jamais me lever se jour là, ne jamais aller là-bas et ne jamais te rencontrer. Pourtant j’ai quand même marché, supporter le regard curieux des passants, voyant une petite fille mal habillée, maquillée comme pas possible, avec une jupe à moitié déchirée et tout le tralala qui va avec. Comme d’habitude quoi… Et je crois que c’est ça qui a attiré ton œil de vautour… Tu t’es approché de moi, t’avais ton grand sourire craquant, tes yeux qui brillaient de malice et tu étais tout simplement … beau. Dès que je t’ai vu, j’ai eu envie de te prendre dans mes bras... Alors quand tu t’es approché de moi, je me suis dit :
« Mél…Tu dois rêver, ce mec vient de t’aborder ! »
J’ai rien dit, j’ai juste souris. Je crois que ça a suffit pour toi. Tu avais cet espèce d’air satisfait sur le visage qui m’a paru tellement innocent. J’ai compris beaucoup plus tard ce qu’était cet air sur ton visage… C’était la méchanceté. La méchanceté à l’état pur… Derrière ce masque de beauté, il y avait la haine, le sarcasme, le diable en personne. Comme j’aurais voulu ne jamais te connaître. Et pourtant…
« Salut…Tu t’appelles ? »
C’est les mots qui sont sortis de ta bouche et qui ont réussi à me charmer pour l’éternité… On a facilement lié connaissance et pendant des semaines on a gardé le contact… Un jour, t’as voulu absolument qu’on se voit dans la forêt… J’ai pas dit non. Comment aurais-je pu ? Je t’aimais… Ô oui, je t’aimais… Et tellement. On s’est retrouvé là-bas à 17h30, dans le cabanon au centre de la forêt… Personne ne pouvait nous entendre de là. J’aurais dû y penser. Mais non. Comme l’idiote que j’étais, j’ai cru que tu voulais me demander de sortir avec toi, et puis on ferait des choses de grands… On irait plus loin que d’habitude… Pff. Que de rêverie. T’es arrivé, avec ton grand sourire habituel, tu m’as embrassé sur la joue. On s’est assis au centre de la cabane et on a parlé pendant un bon moment…Et soudain… tu m’as demandé :
« T’es vierge ? »
Tout a dégénéré ensuite… Je ne sais plus comment ça a continué, je sais juste que tu m’as attachée avec des menottes, que ça fut très douloureux et que je me suis réveillée le lendemain, avec ton sperme séché sur le visage…
Ensuite j’ai couru vers la rivière. J’ai pleuré, je me suis rincé le visage… Je suis rentrée chez moi, en prétextant avoir dormi chez Léa... Ma mère m’a cru, et j’ai toujours gardé ça pour moi… Maintenant ça fait 9ans. Je suis mariée j’ai deux enfants et je n’ai toujours pas oublié… J’avais juste besoin d’en parler… Juste besoin de l’écrire. Pour oublier le passé.
Mélanie mourut alors âgée de 97ans, mère de trois enfants et grand-mère de cinq petits enfants… Elle fut heureuse pendant toute sa vie…L’on retrouva cette lettre dans son testament, cette lettre, destinée à un certain, Ludovic, le garçon au masque de pierre…