[Texte] L'homme devient souvenir.

De ma vie, je n’ai jamais pensé pouvoir dire « C’est fini. » à la vie. De mon temps, je pensais que j’étais éternel. Mais, maintenant que je suis mort, je prie pour ne pas oublier le temps de la vie. Je prie car mes souvenirs m’échappent. Quelque chose en moi s’en va, et je n’y puis rien. J’aurais jamais imaginé qu’un souffle pouvait être si bon, que l’air que l’on respirait était une magnifique sensation, et que jamais on ne puisse sentir de meilleure que celle que l’on a dans l’eau, ce contact transparent et si doux à la fois. Mais à présent, je suis bel et bien mort. Et j’erre dans le temps.
Mais, pour moi, il n’est plus question de temps, car je suis devenu éternel. Cependant, je souffre de ce passé qui m’échappe malgré moi. J’erre dans les vallées, les montagnes, l’océan, les fleuves, les rivières… Mais, c’est comme si j’étais dans le vide. Je ne sens plus sous mes pieds cette texture si verdoyante qui me chatouillait quand j’étais gamin. Et aujourd’hui que j’ai l’éternel devant moi, je ne sais plus quoi faire.
Est-ce que je regrette ? Je crois, mais je n’en plus très sure, même mes sentiments divaguent dans l’air vide qui ne fouette plus mon visage. J’avais imaginé la suite de la mort différente, bien sur j’envisageai cette continuation, car je n’arrivais pas à me dire que mon esprit, que tout en moi allait disparaître un jour où l’autre. Je suis mort , il y a un mois, par un stupide accident, mais c’était mon heure, rien ne pouvait y changeait, c’était mon destin. Mais, le pire, c’était de voir de mes propres yeux mon dernier souffle, quand on flotte pour la première fois près de notre corps inerte, pale, sans vie, et qu’on se dit que « tout est fini. », c’est comme un choc, moi, je n’y suis pas arrivé. Alors les anges là-haut ne sont pas venus me chercher. La faucheuse est venu, mais l’ange de la mort n’a pas pris mon âme.
Peut-être que c’est mon châtiment, restait éternellement sous ce voile à regarder les humains évoluer, à voir mes enfants ne pas me voir, et passer devant moi pour venir me dire bonjour dans ma tombe. Je n’aurais jamais cru que je laisserais autant de chagrin derrière moi. Ces mines basses, ces larmes véritables ces pleures, ces cris et ce chagrin qui les parcourait lors de mon enterrement. Si j’avais un cœur ça me l’aurait déchiré de les voir ainsi, mais je n’en ai plus. Et mes émotions ne sont devenues qu’un vague souvenir.
Je suis l’être au désespoir qui attend qu’on vienne le chercher, je suis l’errance de la mort, celle qu’on a oubliée.

J’ai rencontré un autre mort qui avait déjà vu un ange. Il m’a dit :

« On a quelque chose à comprendre, l’essence même de ce qu’on est aujourd’hui, et l’on doit le comprendre seul. Je ne peux pas t’aider, mais moi je viens de comprendre ce que je suis, et je crois que je m’en vais. J’ai laissé mes dernières volontés ici-bas, je n’ai plus rien à faire ici. Adieu. »

Comprendre qui j’étais ? Mais qui suis-je ? En me posant la question je me suis remémoré l’ensemble de ma vie, non ma vie a littéralement défilé sous mes yeux. Je n’ai rien oublié, je me souvenais de tout, des disputes avec mon fils, de mes premiers pas, ma première parole, mes études, mes soucis, mes regrets, ma femme que j’ai aimée. Tout était en moi. Non, tout était moi.
Je viens de comprendre. Je ne suis pas un fantôme, je ne suis pas un esprit ni une âme, je suis un souvenir, non, plus encore, je suis mes souvenirs. Tout ce que j’ai vécu dans ma vie est bien encrés la dans chaque partie de moi. Les sentiments que, dans ma vie, j’ai oubliés, les émotions que j’ai vécues.
Mais, je suis incapable d’éprouver aucune émotion sur ce que je vois depuis après ma mort. Parce que… Je suis le souvenir d’un être. Je viens de comprendre, oui, c’est ça. Alors, je vois mon fils que j’ai aimé, mon fils à qui je n’ai su dire les mots qu’il fallait. Alors, avant de m’envoler au ciel, de disparaître. Je voudrais laisser encrer dans l’air, ces dernières paroles pour mon fils. J’ai deux mots à lui dire.
D’abord, Pardon d’avoir été un père si médiocre, un père qui n’a su prendre soin de toi quand j’ai quitté ta mère. Oui, pardon de n’avoir sus pas t’écouté comme il aurait fallu, entendre cette petite voix à travers toutes nos disputes qui ne cessaient de dire « laisse moi vivre ma vie. », et je sais qu’aujourd’hui encore tu as ce regret d’être là où tu n’aurais pas du être, d’avoir foncé droit vers un mur qui te retient au bonheur. Et ça par ma faute, pardon mon enfant. Oui, Pardon et Je t’aime. Ce mot que je n’ai sus te révéler lorsqu’il fallait, mais que je criais tout bas. Ce mot que j’ai oublié de t’annoncer lorsque tu avais besoin de moi. Mais, ne m’oublie pas. Vie ta vie, puisqu’à présent tu es libre. Vole mon enfant vers tes rêves et ton bonheur, et ne répète la même erreur de ne pas dire à son enfant qu’on l’aime absolument.
Voilà, ces mots que je viens de crier sont les derniers que j’emporterais. Mes souvenirs, moi vont disparaître de cette terre, car je n’ai plus rien à faire ici, mon temps est passé, j’ai vécu ma vie. Et je ne regrette plus rien à présent. Je sais qu’il m’entend. Alors, je vais m’envoler dans ces lointains paysages, où mes souvenirs vont s’égarer pour ne plus ressurgir. Adieu…