La ire sut te mortifier !

L’ombre des nuées grouillantes se meut au dessus des forêts séculaires, par delà les derniers contreforts des austères pics effilés, qui semblent mâcher le reste des mondes, terribles chaos de pierre et de lave séchée.
Dans les mouvances éthérées de ces restes de limbes brisés, effeuillés par les souffles dantesques de ce nouvel apocalypse, les feuilles se déchirent, s’élevant haut dans les cieux noirs et grimaçants, pareils aux yeux de suie du Maître des sangs blancs.
Même les vieux corbeaux se terrent dans les hautes branches violemment secouées, par les affres de ce vent, venu d’un lointain ailleurs, tempête dont nulles âmes encore là, ici bas, ne pouvaient se rappeler.
Tout n’est que sifflements, craquements sinistres, claquements secs et cette encre qui vampirise chaque chose, semble comme tachée de sang.
Dans les bourrasques lointaines, se tordent les branches décharnées, qui s’arrachent, rageuses, défigurées par la folie intense de ces mille éléments, qui semblent se déchaîner, nourrissant leurs assauts répétés sur les vieux troncs glabres et tordus, qui se courbent, ploient et se rompent parfois, soudain arrachés à la terre nourricière, dans un fracas de mort, sombrant dans un néant de poussières mortifères.
Alors de ces plaies larges et béantes, s’extirpent les légions qui viennent de dessous ! Cohortes animées vides de vies, qui se regroupent et marchent en longues files serrées, par delà les derniers halliers encore tout nimbés de brume.
Elle regarde ses fils, qui avancent vers les villes de Cocagne, reprendre enfin leurs dus, trop longtemps usurpés, par ces fous de chrétiens. L’air glacé qui souffle des mille morts, enveloppe bruyamment les longues files des troupes armées, qui marchent d’un pas lent vers les premiers foyers.
Ses deux corbeaux blancs, veillent, avec elle, scrutant, insidieux, les premiers Démons de l’abîme, qui sortent eux aussi, sous les faveurs de cette nuit noire sans lune.
Mille chevaliers, harassés, s’extirpent à leurs tours des profondeurs abyssales, montant leurs chevaux d’os, brandissant leurs épées saintes, à jamais ternie par le Mal élémentaire.
Ses yeux de feu, rouges et terrifiants, semblent habités d’une chaleur inextinguible, foyers ardents et suprêmes, où tout semble se fondre, agates liquides et flamboyantes, ils suivent, imperturbables, l’aboutissement de sa propre vengeance.
Pas un mot ne sort pourtant de ses lèvres fermées, qui psalmodient en silence des milliers de litanies. Ses longs cheveux fins, d’un noir d’ébène, tombent sur sa peau d’une blancheur irréelle, elle est belle, nue, froide, comme la glace vive, un rictus mauvais contraint ses yeux à demeurer ouverts, quoi qu’il lui en coûte.
D’un geste mesuré elle brandit son bâton de foudre, élargissant le passage à ses troupes squelettiques, dans un torrent de lave qui enflamme les vieux troncs.
Sonne, sonne tocsin, jamais tes preux chevaliers, ne pourront se mesurer aux armées de l’Enfer. Déjà se fond la pierre tombale, de tes hardis fanfarons, dans un ophite tout marbré de jade, comme les turpitudes acérées de mes putréfactions.
Tremblez mortels, le temps est venu de payer vos exactions !

Mille bises

Gaëlle