Kikou,
Allez, je me lance à mon tour,
quelques mots couchés sur un bas côté de maux
j'ai si mal encore, mais à partager,
les pires peines sont plus supportables.
Mille bises
Gaëlle
[...]
Il pleut, comme tous les jours, sur ma banlieue,
Comme si, aube et crépuscule s'étaient mis
Au diapason de mes larmes, sous le bleu
Eteint des néons, tout à leurs agonies.
La lune, seule, me veille, âme diaphane,
A la recherche d'un temps perdu, révolu.
Les lampadaires cafouillent, déjà en panne,
Et je suis seule, triste, hagarde, dans ta rue.
Et je cherche ton sourire, et tes yeux d'un vert pâle
Et ton parfum aux fragrances de soie, d'épices et de cannelle.
Mais ton rideau de fer est toujours baissé, choc brutal,
A mes yeux effarés, qui s'accrochent désespérés … en cavale.
Sa main qui me caresse, douces effluves boréales
Qui me cherche, qui me sonde, qui m'effleure doucement.
Son regard perdu dans un lointain d'ailleurs, dédale de pétales
Et ses lèvres qui s'attardent sur le calice précieux du temps.
Nos regards embués, après nos râles partagés
Seuls au monde, blanc seing immaculé de nos draps tout froissés.
Tout pleins de notre amour, à grandes ondes déversées.
Et sa façon de me dire, ô combien il m'aimait.
Et nos parents qui rient, qui se rencontrent et s'apprécient
Et les fêtes qui se succèdent, et le temps qui fait son nid
Et la folie des automates, trop groggy de vodka et de pastis
Dans le virage désert, d'une route bordée de pins, juste ici.
Quelques graviers, une voiture malmenée, mal menée !
Il se penche, je le vois, il crie, sans voix, il glisse, jusqu'au trépas
Sa moto qui se couche, et lui qui roule, qui roule, sous mes yeux effarés.
Visage crispé, sourire figé, je me relève et déjà j'entends son glas.
Pas pressés, sur le gravier, lumières bleutés, qui dansent sans arrêts
Adieu sourire, adieu regard, déjà le linceul court sur ce visage aimé
Lui qui m'avait encore embrassé, riant, et le goût de son baiser
Amer désespoir qui s'insinue et se fige, au plus profond de l'atroce vérité
Une porte qui claque, je ne sais pas pourquoi je suis encore là
Dans les vapeurs d'alcool, les autres gisent aussi, on avait le même âge !
Sous les toiles de lin blanc, morts à dix huit ans, Lucie, Arnaud et Léa
Posés là, sur le côté, ils n'iront pas en cage, je n'ai même pas la rage !
Les cloches sonnent, toute la banlieue est là, interdite
Quatre trous fraîchement creusés dans le tendre basalte.
Morts en commun pour une même peine, polémiques
Samedi le bar rouvrira, dans les vapeurs de whisky et de malt
Depuis je te cherche, je erre sans but, affolée, triste et transie
Les yeux tournés vers nos souvenirs partagés, et ton rire qui s'est tu
Et tes mains qui ne me désirent plus, j'en ai pourtant tellement envie.
Je me surprends encore à sentir tes lèvres, m'effleurer en cherchant leur dû
Ce soir encore j'ai tellement mal, je mets ton parfum, mais tu n'es pas là
Je te cherche, je t'attends mais tu ne viens pas ! Un soir, dans un virage
L’alcool, la folie, l'inconscience brutale, la recherche éperdue d'un nirvana
T’ont couché, à jamais, sur les ronciers de ces lointains parages
Mais demain, Elle sera là, fruit défendu de nos défuntes amours
Et déjà je suis sûre qu'elle aura tes beaux yeux ... verts pâles
Serai je seulement digne de l'élever pour nous deux, mon amour ?
Ô combien je t'aime, ô combien tu lui manques, douce Opale.
Je t'aime tant ; pourtant !
Gaëlle